Le Bureau Français de la Cause Arménienne (BFCA) intervient auprès de l’ambassadeur de France en Azerbaïdjan M. Pascal Meunier

Actualité

Paris le 25 septembre 2014
Votre Excellence ,

Le 9 septembre 2014, l’agence de presse azéri APA publiait la dépêche suivante :

Bakou. Javid Zeynalli – APA. L’ambassadeur de France en Azerbaïdjan Pascal Meunier a commenté la visite illégale d’un groupe de membres du Parlement français dans les territoires occupés de l’Azerbaïdjan sans l’autorisation de Bakou officiel.

Dans son entretien à l’APA, M. Meunier a noté que la visite des sénateurs dans les territoires occupés et leurs opinions ne reflètent pas la position de la France : « La France est un Etat démocratique. La déclaration de l’un d’eux – n’est pas la position de la France. C’est leur propre travail et initiative personnelle. La France n’est pas responsable de ce fait. Je l’ai dit à plusieurs reprises, et dis une fois de plus que la France reconnaît et soutient l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan » selon le diplomate français.

Un groupe de membres du Parlement français ont visité les territoires occupés de l’Azerbaïdjan sans l’autorisation de Bakou officiel

Connaissant les pratiques de cette agence de presse qui travestit régulièrement les propos des personnes interrogées, nous aimerions tout d’abord être certain qu’il s’agit bien là de vos propos rapportés, n’ayant pas eu connaissance du moindre démenti de votre part publié sur le site de l’ambassade de France dont au passage l’actualité retarde un peu remontant à septembre 2013.

Si ces déclarations s’avéraient malheureusement vrai, nous considérons que vous êtes manifestement sorti de votre devoir de réserve. Vous êtes le représentant permanent de la France en Azerbaïdjan et à ce titre, il est particulièrement inconvenant de ne pas respecter le Parlement et les parlementaires français qui sont l’expression du peuple français. Si des parlementaires français souhaitent se rendre au Karabakh, il est inadmissible qu’un fonctionnaire fusse-t-il en poste en Azerbaïdjan se permette de condamner cet acte.

Pour mémoire, le Karabakh a proclamé son indépendance en 1991 suivant un processus démocratique. Depuis cette date, des élections s’y tiennent démocratiquement ce qui n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan. Il n’y a aucun prisonnier politique au Karabakh, ce qui n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan. Il n’y a aucun journaliste en prison au Karabakh ce qui n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan. Quand un berger azéri s’égare sur le territoire du Karabakh, il est remis aux autorités azéries par la Croix Rouge sans torture, sans brimade et en vie, ce qui n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan. Votre rôle d’ambassadeur serait de dénoncer ses atteintes aux droits de l’Homme, ses emprisonnements de prisonniers politiques dont Mme Leyla Yunus, ses atteintes à la liberté de la presse, le meurtre du berger Karen Pétrossian faisant écho à votre ministre Monsieur Laurent Fabius. Mais tout cela nous ne l’entendons pas de votre part.

Pour mémoire également, le Président de la République François Hollande lors de sa visite en Azerbaïdjan a rappelé que si la France était attachée au respect de l’intégrité territoriale, elle était aussi attachée à trouver une solution pour le Karabakh dans le respect du droit des peuples à s’autodéterminer. Ces deux principes sont la base de la diplomatie française et préserve ainsi son rôle d’arbitre au sein du Groupe de Minsk de l’OSCE. Là encore, il est regrettable que vous soyez allé au-delà de la parole présidentielle en ne citant qu’un des deux piliers d’une solution de paix juste pour le Karabakh.

A contrario, vous vous devez de défendre les valeurs de la France, ses citoyens et ses élus de la République. Ainsi, lorsque des parlementaires français comme Monsieur René Rouquet se voit refuser un visa par l’administration azéri alors qu’il se rend en déplacement officiel au nom du Parlement français pour assister à une réunion de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, alors oui, le diplomate que vous êtes se doit de réagir et non seulement de protester officiellement, mais d’obtenir le visa de l’élu du peuple français, ce que vous n’avez pas fait.

Lorsque 12 membres de la délégation officielle française, dont des députés et des sénateurs (MM Devedjian, Rochebloine, Rouquet, Kaltenbach, Aznavour, Terzian, Kepenekian sans parler des représentants des français d’origine arménienne dont moi-même), accompagnant le président de la République lors de sa tournée dans le Caucase en mai dernier sont obligés de prendre un avion à part parce que l’Azerbaïdjan refusent de les recevoir sur son territoire parce que certains sont d’origine arménienne, alors oui l’ambassadeur que vous êtes doit officiellement protester contre cet affront, à cette discrimination faite à des citoyens français et à des élus de la République. Rappelons d’ailleurs que les parlementaires français présents à Bakou ont tous pu suivre le président de la République en Arménie, car ce qui marque la différence entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie se résume en un mot de la langue française : la tolérance.

Lorsque le régime de M. Aliev entreprend en 2005 la destruction du cimetière arménien de Djulfa au Nakhitchevan, cimetière de plusieurs milliers de tombes, relevant du patrimoine de l’Humanité comme les Boudhas de Baiman, alors oui le diplomate que vous êtes doit au nom de la France se rendre sur place, constater de ses yeux la destruction et en référer à sa hiérarchie. Depuis votre arrivée en 2012, vous n’êtes pas allé une seule fois sur le site de la Nouvelle Djulfa et dans le même temps, vous vantez sur le site de l’ambassade la diversité culturelle azérie.

Nous notons enfin, Monsieur l’ambassadeur, les efforts constants et renforcés que vous accomplissez afin que la France se porte candidate à la vente de matériel militaire à l’Azerbaïdjan, comme par exemple les systèmes de défense anti-missiles proposés par Thales, cités par le site Intelligence Online. Sans doute que votre passé de dirigeant à l’international du groupe Thales (1993-mars 2012) joue un rôle dans ce processus qui relève néanmoins du conflit d’intérêt manifeste. Devons nous d’ailleurs vous rappeler que la France a interdit la vente de matériel militaire à des pays en conflit ? Devons-nous vous rappeler que la France en tant que co-présidente du Groupe de Minsk ne peut vendre des armes à l’Azerbaïdjan sous peine de voir son intégrité et sa neutralité mise à mal ? Pourquoi continuer à faire ainsi du lobbying pour des ventes d’armes à l’Azerbaïdjan alors que vous savez que c’est impossible. Vous êtes ambassadeur de France en Azerbaïdjan, plus VRP de Thales à l’international.

Etre ambassadeur de France en Azerbaïdjan n’est sans doute pas une sinécure, nous pouvons en convenir. Mais cela ne peut relever dans votre cas de la complicité voire de la connivence avec le régime corrompu de M. Aliev, condamné par toutes les organisations de défense des droits de l’Homme.

Aussi, Monsieur l’ambassadeur, arrêtez votre soutien indéfectible à « la diplomatie du caviar » qui va bien au-delà de la position exprimée par la France par la voix du Président de la République François Hollande. Et s’il vous apparait avoir été trompé dans cette affaire, nous vous demandons de l’exprimer publiquement.

Dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous prions de croire, Votre Excellence, l’expression de nos salutations républicaines.

Le Directeur du BFCA
Harout Mardirossian

Photo: Pascal Meunier