La RTBF, La Libre et le sénateur George Dallemagne en Syrie a l’invitation des CDCA de Belgique (ANC Belgium) et FEAJD (EAFJD)

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La RTBF, La Libre et le sénateur George Dallemagne en Syrie a l’invitation des CDCA de Belgique (ANC Belgium) et FEAJD (EAFJD).

(RTBF) La présence des journalistes en Syrie est de plus en plus rare, tant il est devenu dangereux pour eux de s’y rendre. Françoise Wallemacq, journaliste à la RTBF, y est pourtant allée après avoir exceptionnellement reçu une autorisation pour se rendre à Damas. Les images recueillies témoignent d’une ville mise à rude épreuve et d’une population qui tente tant bien que mal de surmonter la guerre. Découvrez en fin de reportage l’interview de la journaliste de retour en Belgique.

Regardez le reportage.

Les revenants de Kessab: reportage dans la communauté arménienne de Syrie

Françoise Wallemacq et Patrice Hardy

(RTBF – 14/09/2015) Le village de Kessab en Syrie, situé dans un fief du régime de Bachar Al-Assad, et adossé à la frontière turque, est tombé pendant quelques mois, au printemps 2014, aux mains de rebelles djihadistes.

Ce village est peuplé essentiellement d’Arméniens chrétiens. Selon plusieurs experts de la région, cette attaque “rebelle” aurait été soutenue par la Turquie voisine. Après quelques mois d’occupation, les groupes rebelles ont été repoussés, et les habitants de Kessab reviennent timidement. Désormais, ils s’organisent en groupes d’auto-défense.

Kessab, c’est un gros bourg, accroché à la montagne, et surplombant la mer. Les montagnes qui l’entourent forment une frontière naturelle avec la Turquie, qui se trouve a quelques centaines de mètres a peine.

C’est un endroit idyllique. Avant la guerre, de nombreux Arméniens de la diaspora venaient passer l’été ici. C’est que Kessab a une place toute particulière dans le cœur des Arméniens. C’est l’un des plus anciens villages arméniens de Syrie, avec des églises qui datent du Xème siècle. Et c’est le seul village arménien de l’ancien Empire ottoman situé hors des frontières de la Turquie actuelle.

Pour Frédéric Pichon, auteur de “Syrie: pourquoi l’Occident s’est trompé“, c’est le seul village rétrocédé à la Syrie par la France en 1939. À l’époque, la communauté arménienne, traumatisée par le génocide de 1915, ne souhaitait pas vivre à nouveau sous contrôle turc. Elle se sent au contraire protégée par le régime syrien.

La peur de sa vie

Ce jour-la, Stepan Sheroukian aura la peur de sa vie.

Alors qu’il rentre des champs a moto, quand il tombe nez à nez avec les assaillants. Ils sont habillés tout de noir, avec des barbes rousses. Ils parlent une langue inconnue…

Les familles prennent la fuite en direction de Lattaquié, à 50 kilomètres plus au sud. Cette ville est un des fiefs du régime. Les déplacés de Kessab sont accueillis par la communauté arménienne. Cette fuite réveille bien sûr le souvenir effroyable de l’exode de leurs grands-parents, au moment du génocide de 1915. La belle mère de Viken en tremble encore.

Ces familles resteront trois mois à Lattaquié, jusqu’à ce que l’armée syrienne déloge les assaillants, et libère Kessab. Mais certains n’ont pas eu le temps de fuir, et ont été arrêtés par les assaillants.

C’est le cas de Yessaye Aintablian, un berger de 72 ans et de sa fille. Ils gardent leurs 300 moutons dans la montagne quand ils entendent les premiers coups de feu.

Les dégâts

Quand les habitants de Kessab rentrent, au bout de 3 mois, ils constatent les dégâts. Des maisons ont été occupées par les djihadistes, qui ont tout pillé avant de partir.

Gregor Setoupian a retrouvé sa maison sens dessus dessous. Les photos de famille ont été systématiquement déchirées.

L’église a été incendiée, les murs tagués de graffitis anti-chrétiens. Les tombes chrétiennes du cimetière ont été profanées. Les statues et les portraits des défunts brisés à coup de marteau.

La plus belle maison du village a été transformée en lieu de débauche. C’est une maison blanche, aux fenêtres ornées de fer forgé. Des débris jonchent le sol. Les occupants ont tout brûlé avant de fuir.

La tension et la peur sont toujours palpables

Aujourd’hui, quelques centaines d’habitants sont revenus. Ils nettoient, restaurent les maisons, recommencent à cultiver leurs champs. Cette année, il n’y aura pas de vin. Le raisin n’a pas été vendangé.

L’armée syrienne n’est pas loin, mais les habitants ont préféré organiser leur propre groupe d’autodéfense. L’homme qui dirige ces 120 volontaires préfère garder l’anonymat. Il est branché en permanence sur les fréquences radio des groupes rebelles. Ils ne sont qu’a 80 kilomètres a vol d’oiseau.

Un semblant de sérénité est revenu sur Kessab. Mais de temps en temps, des bombardements déchirent le silence. Le front n’est pas loin. La frontière turque n’est qu’à quelques centaines de mètres.

La femme de Viken est inquiète. Elle dort mal.

Peter Petrossian, notre guide dans cette communauté arménienne y a aussi retrouvé des membres de sa famille. Elles sont exilées d’Alep.

Photo: Kessab à la frontière turco-syrienne – © hapa