COMMUNIQUE DE PRESSE

Actualité

Dans ces jours qui commémorent le 29ème anniversaire des massacres de Soumgait, le Comité de Défense de la Cause Arménienne a pris connaissance avec le plus grand intérêt du rapport publié le 15 février 2017 de la Mission d’information de la Conférence des Présidents sur les relations politiques et économiques entre la France et l’Azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au sud Caucase.

Il souligne le travail profond et minutieux conduit par les membres de la mission d’information[1] sous l’autorité du Président François ROCHEBLOINE.

Ce travail démontre de manière incontestable et systématique l’aggravation de chacune des libertés individuelles ainsi qu’une détérioration de l’Etat de droit organisées par les autorités azerbaïdjanaises.

Tout d’abord, reprenant à son compte les conclusions de la Commission de Venise, la Mission d’information estime que les modifications institutionnelles ont permis une concentration dangereuse du pouvoir. La réforme constitutionnelle du 26 septembre 2016 détériore les droits de l’opposition comme en témoigne la possibilité de déchoir les députés de leur mandat d’une manière qui « peut être abusivement utilisée contre des députés de la minorité ». Elle réforme, en outre, le pouvoir de nominations dans des conditions « menaçant gravement l’indépendance de la justice » et renforce le pouvoir présidentiel d’une manière « incompatible avec les normes démocratiques ».

S’agissant des conditions de déroulement des élections, le rapport conclut à « une aggravation des conditions dans lesquelles se déroulent, depuis 2003, les opérations électorales en Azerbaïdjan ». En outre, relatant l’audition de M. Jean-Pierre Lacroix, directeur des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l’Homme et de la francophonie au ministère des affaires étrangères, la mission d’information signale que, les partis politiques d’opposition, « exerçant dans des conditions de fonctionnement déjà difficiles, ont vu leurs marges de manœuvre se réduire encore au cours des dernières années ». La mission ajoute que cette évolution rejoint celle, plus générale, de l’attitude des autorités azerbaïdjanaises à l’égard des expressions pluralistes.

A cet égard, M. Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme, a rapporté devant la mission d’information qu’« au cours des deux ou trois dernières années, la société civile azerbaïdjanaise [avait] fait face à la pire situation depuis l’indépendance du pays ». La mission souligne que « cette pression croissante sur la société civile se traduit concrètement par une application de plus en plus restrictive du cadre d’exercice des droits et libertés publics ». Elle ajoute que les grandes libertés publiques – liberté de réunion, d’expression, de manifestation – sont fortement contraintes et la répression à leur encontre a eu tendance à s’accroître au cours des dernières années. Elle conclut à cet effet que « les principales incarnations de la vitalité d’une société civile, associations et organisations non gouvernementales (ONG), médias et défenseurs des droits au sens large, ont vu leur marge de manœuvre se réduire fortement en Azerbaïdjan.»

S’agissant de la liberté d’expression, la Mission d’information reprend à son compte les conclusions de l’organisation Reporter Sans frontières qui classe l’Azerbaïdjan au 163ème rang sur 180 sur la liberté de la presse et qui décrit une attitude de plus en plus dure des autorités azerbaïdjanaises à l’égard non seulement des médias d’opposition, mais aussi des médias indépendants d’investigation, en particulier depuis l’élection présidentielle de 2013.

La mission dénonce ainsi la répression de journalistes « fournissant un contingent important des « prisonniers politiques » ou « prisonniers d’opinion » recensés par les diverses ONG internationales ».

Plus globalement, elle souligne l’oppression subie par les défenseurs de droits de l’Homme. Citant une nouvelle fois M. FORST, le rapport estime que « la justice est utilisée à grande échelle pour museler l’opinion ». Le rapport de la Mission ajoute, par ailleurs, que « les défenseurs des droits seraient l’objet de mauvais traitements – pendant ou en dehors de leurs périodes détention – qui resteraient pratiquement toujours impunis, expliquant ainsi l’état de santé très fragile de certains d’entre eux » comme en témoigne ainsi la situation des époux Yunus. En outre, reprenant le décompte des Organisations Non Gouvernementales, le rapport souligne que soixante à soixante-dix personnes sont incarcérées pour des raisons politiques, des emprisonnements jouant un rôle d’exemple aux effets dissuasifs pour quiconque s’oppose au système.

Concernant la situation des libertés individuelles et de l’Etat de droit, le rapport de la mission d’information est absolument implacable. Il conclut en effet que « toutes les déclarations, même les plus prudentes, de diplomates [français] et celles des organisations de défense des droits de l’Homme se rencontrent sur ce point essentiel : la situation des défenseurs des droits de l’Homme et plus généralement la pratique des libertés publiques fondamentales se sont dégradées au cours des années récentes. […] Cette convergence des points de vue donne du régime au pouvoir à Bakou, de ses pratiques, une lamentable image et appelle la compassion pour les victimes. »

Pour Pierre-Yves LE BORGN’, député, rapporteur de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, atteste que si l’Azerbaïdjan redéposait aujourd’hui une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe, celle-ci serait sans doute refusée, tant la dégradation de la situation est jugée importante. Il ajoute « L’Azerbaïdjan n’est pas une démocratie. »

Le rapport n’est pas seulement un réquisitoire implacable sur la situation des droits de l’Homme, il permet aussi de battre en brèche des idées répandues tant sur le lien entre les relations économiques et le développement des libertés, que sur les opportunités économiques permises en Azerbaïdjan. Sur ce premier point, le rapporteur reprend à son compte le propos du Secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur, Matthias FEKL, pour qui : « Le lien entre développement économique et amélioration de la situation des droits de l’Homme et des libertés politiques n’est pas du tout automatique. » Il ajoute « Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’il suffit de commercer pour que la démocratie advienne. Je ne partage pas le discours un peu naïf que l’on a entendu partout à ce sujet ces dernières années. On constate, dans des parties entières du monde, qu’a émergé une sorte de « libéralisme autoritaire » qui permet de conjuguer une croissance économique très soutenue et un autoritarisme de l’État toujours plus marqué. Il ne faut pas ignorer cette réalité. » Le Comité de Défense de la Cause Arménienne qui n’a eu de cesse de combattre les thèses dénoncées au cours des travaux de cette mission par un représentant du Gouvernement, se félicite que le rapport mette en exergue cette prise de position forte.

Par ailleurs, concernant les prétendues opportunités économiques, le rapport souligne le très haut niveau de corruption concernant aussi bien la pénétration du marché azerbaïdjanais par les grandes entreprises françaises que la nécessité de verser des sommes d’argent pour obtenir des marchés. Il souligne par conséquent que la marché azerbaïdjanais est inaccessible aux Petites et Moyennes Entreprises françaises et que les grandes entreprises françaises ne pourraient s’y installer sans un soutien déterminant de l’Ambassade.

Compte tenu de ces éléments :
Le Comité de Défense de la Cause Arménienne appelle le Gouvernement français à tirer les conséquences de ce rapport accablant et implacable réalisé par une mission trans-partisane de la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale.

Premièrement, le Comité de Défense de la Cause Arménienne estime que les pouvoirs publics français ne peuvent pas soutenir avec une telle détermination le commerce avec un pays aussi éloigné des standards européens. Le rapport de la Mission d’information souligne que la Coface, pour laquelle l’Etat français est décisionnaire, subventionne à hauteur de 862 millions d’euro, les entreprises souhaitant s’implanter en Azerbaïdjan. Il n’est pas acceptable que de tels dispositifs soient déployés en support d’une implantation économique subordonnée à une corruption d’un régime dictatorial. De la même manière, le Comité de Défense de la Cause Arménienne s’interroge sur le montant des prêts de l’Agence Française pour le Développement qui atteignent 112 millions d’euros auxquels s’ajoutent ceux de sa filiale PROPARCO pour un montant total de 23 millions d’euros. De fait, le CDCA demande que des instructions claires soient transmises à l’Ambassade de France en Azerbaïdjan, pour qu’elle mette en priorité la lutte contre la corruption et cesse de mener une diplomatie économique avec un régime corrompu.

Deuxièmement, le Comité de Défense de la Cause Arménienne regrette la vente d’un satellite d’observation à des fins militaire et d’un satellite de communication à des fins civiles mais comportant une partie réservée à l’Etat azéri et dénonce vigoureusement la perspective de vente d’un deuxième satellite d’observation plus précis à des fins de défense par Airbus Defense évoquée par le rapport. La vente d’un tel équipement ou de tout autre équipement à des fins militaires est absolument incompatible avec la situation de la France comme co-Présidente du Groupe de Minsk, au sein duquel elle agit en faveur de la paix. Le CDCA exige le gel immédiat de ces contrats tant que l’Azerbaïdjan n’apportera pas la preuve qu’ils ne pourront être utilisés contre les populations civiles arméniennes de l’Artsakh ou de l’Arménie.

Enfin, conscient que le caractère autocratique du régime et la multiplication des atteintes aux droits de l’Homme nourrissent la rhétorique belliqueuse et la haine anti-Arménienne, le Comité de Défense de la Cause Arménienne appelle les autorités françaises à se montrer beaucoup plus exigeantes avec la partie azerbaïdjanaise concernant le Haut-Karabakh. Les atteintes quotidiennes au cessez-le-feu, ainsi que la Guerre des Quatre Jours du 2 au 6 avril 2016, résultent à n’en pas douter de l’aggravation de la situation en Azerbaïdjan, très largement documentée par le Rapport de la Mission d’information, à laquelle s’ajoute les investissements massifs de l’Etat azerbaïdjanais en direction des industries de guerre.

Le Comité de Défense de la Cause Arménienne tient, enfin, à remercier le groupe UDI qui a souhaité dans le cadre de son droit de tirage porter à l’ordre du jour la question de l’Azerbaïdjan et ainsi apporter un éclairage précieux. Il souligne, que ce rapport n’a pas été voté par le Président de l’Association des Amis d’Azerbaïdjan, le député Jean-François MANCEL, et le Président du Groupe d’amitié France-Azerbaïdjan, Michel VOISIN, qui à la fois, se compromettent, démontrent leur aveuglément éhonté sur la situation de l’Azerbaïdjan et surtout attestent de leur isolement voire leur disqualification comme acteurs crédibles sur ce sujet.

Le Comité de Défense de la Cause Arménienne prévoit de rassembler sur la base de ce rapport les Organisations Non Gouvernementales inquiètes de la situation en Azerbaïdjan et d’interpeller chacun des candidats à l’élection présidentielle sur cette question qui préoccupe les Français sensibles à la situation dans le Caucase et singulièrement au sort des Arméniens du Haut-Karabagh chaque jour davantage menacés par le régime azerbaïdjanais.

Paris le 27 février 2017
Pour tout contact : 0144830702 ou cdcafrance@gmail.com

Le rapport dans son intégralité est disponible sur le site de l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4511-tI.asp

L’ensemble des travaux de la mission est disponible : http://www2.assemblee-nationale.fr/14/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/relations-politiques-et-economiques-entre-la-france-et-l-azerbaidjan/%28block%29/ComptesRendusCommission/%28init%29/0

[1] – MM. François Rochebloine, président, et Jean-Louis Destans, rapporteur ;– MM. Alain Ballay, Jean-Luc Bleunven, Mme Pascale Crozon, MM. Michel Destot, Patrick Devedjian, Jean-Pierre Door, Yves Foulon, Sauveur Gandolfi-Scheit, Jean-Marc Germain, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, MM. Jean-Claude Guibal, Henri Jibrayel, Jérôme Lambert, François-Michel Lambert, Jean Launay, François Loncle, Mme Véronique Louwagie, MM. Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Christophe Premat, François Pupponi, Didier Quentin, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Marcel Rogemont, François Scellier, Gabriel Serville, Jean-Michel Villaumé et Michel Voisin, membres